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De quoi faut-il jeûner ?

Written by on 13 mars 2019

Le Père Xavier Lefebvre explique pourquoi et de quoi l’Eglise nous demande de jeûner les jours de pénitence. Sur Radio Notre-Dame, dans l’émission « Mille questions à la foi ».

Père Xavier Lefebvre

Sophie de Villeneuve : Au moment du carême, nous recevons sur croire.com de nombreuses questions sur le jeûne. De quoi faut-il jeûner ? Certains se focalisent sur la nourriture (viande, poisson, œufs ?), d’autres se privent télévision ou de jeux vidéo, d’autres encore de bavardage et de médisance. Le jeûne prend donc des formes multiples. Que faire alors pour bien jeûner ?


Père Xavier Lefebvre : Le jeûne est un engagement personnel, et donc la bonne question à se poser est bien : de quoi faut-il que je jeûne ? Cela dit, pour le mercredi des Cendres et pour le vendredi saint, l’Eglise donne des directions très précises dans le Catéchisme de l’Eglise catholique. Les temps de pénitence au cours de l’année liturgique, le temps du carême et chaque vendredi, sont des moments forts pour lesquels l’Eglise a des commandements. J’entends le mot commandement au sens d’« ordination » : commander, c’est ordonner, mais c’est ordonner à. Si on ne comprend pas cela, on vit dans la contrainte, or le jeûne n’est pas un exercice contraint. L’Eglise dit que les jours de pénitence, le fidèle doit s’abstenir de viande et observer le jeûne et l’abstinence. A chacun de voir dans sa vie de quoi il doit jeûner. Pour répondre à cette question, il faut d’abord se demander pourquoi jeûner. Quel est le sens du jeûne ? Le jeûne est un exercice de pénitence, et qui dit pénitence dit désir de conversion. C’est la conversion qui oriente le jeûne : je veux m’unir à Dieu, je veux me détacher, me libérer de tout ce qui fait obstacle à ma relation avec le Seigneur, à l’écoute de la parole de Dieu, à l’attention à la présence de Dieu dans ma vie… Le jeûne s’inscrit dans cette orientation. Sinon on risque de vivre l’effort pour l’effort, de se contempler dans son effort, et, forcément, d’être déçu.

Sophie de Villeneuve : Se priver de nourriture permet-il de mieux s’unir à Dieu ?

Père Xavier Lefebvre : : Oui. Le péché de gourmandise a été oublié par notre société d’hyperconsommation, mais la nourriture est un fort point d’attache aux réalités terrestres. Nous nous occupons de notre ventre, nous ne sommes jamais suffisamment rassasiés, la nourriture est une sorte de palliatif au vide de sens. Quelqu’un qui a du mal à trouver un sens à sa vie, qui ne sait pas ce qui peut remplir sa vie, peut vite chercher à remplir son ventre.

Sophie de Villeneuve : Mais il y a une différence entre remplir son ventre et manger normalement…

Père Xavier Lefebvre : : En fait, en se privant de nourriture, on cherche, par une certaine ascèse, à retrouver ce qui nous nourrit vraiment. C’est la première tentation du Christ, qui porte sur le pain. Après quarante jours dans le désert, Jésus a faim. Le diable le tente : Regarde ces pierres et transforme-les en pains. Jésus lui répond : Il est écrit que l’homme ne vivra pas seulement de pain mais de toute parole de la bouche du Seigneur. L’effort du jeûne est orienté vers ce qui nous nourrit.

Sophie de Villeneuve : Vous dites donc qu’il faut limiter sa nourriture ?

Père Xavier Lefebvre : : Oui. C’est un exercice facile, mais qui nous renvoie à nos propres limites. Une personne me disait récemment renoncer pendant le carême au café accompagné d’un biscuit qu’elle prend habituellement à 10 h le matin. Et me confiait : « Je ne pensais pas que ce serait pour moi un si grand effort ». Le jeûne fait apparaître nos attachements. Il n’est pas nécessaire pour cela de faire un très gros effort, mais un effort régulier, qui nous rappelle qu’il n’y a pas que la nourriture dans la vie.

Sophie de Villeneuve : Donc le jeûne n’est pas un effort pour l’effort lui-même ?

Père Xavier Lefebvre : : Non, c’est précisément ce qu’il faut éviter.


Sophie de Villeneuve : Privons-nous donc alors du café de 10 h. Mais pour quoi faire ? Par quoi remplace-t-on ce petit café ?

Père Xavier Lefebvre : : J’ai le sentiment que notre corps est un lieu de mémoire. L’exercice de la privation consiste à avoir un peu faim, sans aller jusqu’à s’affamer, et on peut remplacer le café par une eau chaude, par une conversation, par un moment de détente… Par mon corps, je fais mémoire de ce qui me nourrit. Le corps me rappelle mes engagements, ce vers quoi je suis orienté, ce à quoi aussi je suis attaché.

Sophie de Villeneuve : Donc on peut jeûner de nourriture, en choisissant ce que l’on met de côté. Y a-t-il d’autres formes de jeûne ?

Père Xavier Lefebvre : : Bien sûr. Le principe reste le même : la recherche de la conversion. Le carême propose trois pratiques : le jeûne, la prière et l’aumône. Le jeûne est un exercice de conversion par rapport à soi-même, qui nous ramène à l’espérance du bien véritable. Ce qui peut tuer l’espérance, c’est toutes les petites manies auxquelles je m’attache. On peut donc jeûner d’internet, on peut jeûner du jeu si le jeu est une addiction. Si les chrétiens faisaient un jeûne des jeux qu’ils jouent sur leur smartphone dans le métro, ils feraient peut-être grandir le lien social. L’enjeu de cet exercice de pénitence est de nous convertir et de nous libérer de ce qui nous attache, de nos égoïsmes qui sont souvent très charnels, pour nous ouvrir à autre chose qu’à nous-mêmes.

Sophie de Villeneuve : On parle beaucoup de l’addiction aux écrans. Cela aussi concerne le jeûne.

Père Xavier Lefebvre : On peut jeûner d’internet, de ses mails, des SMS auxquels on répond de manière compulsive. Quel est mon équilibre de vie ? Mon hygiène de vie me permet-elle de vivre dans une paix intérieure en présence de Dieu ? Les chrétiens ne sont pas des stoïques, ils ne cherchent pas la pure maîtrise de soi pour se glorifier d’être des purs et des durs. Il s’agit de se libérer pour se mettre en présence du Seigneur. Et bien sûr tous nos écrans sont de sérieux obstacles, qui encombrent notre mémoire, notre imagination, et nous agitent beaucoup.

Sophie de Villeneuve : Que l’on jeûne de nourriture ou d’internet, y a-t-il des fruits au jeûne ?

Père Xavier Lefebvre : : Il y a des fruits intérieurs de paix, de joie, de meilleur équilibre. Et puis une meilleure présence à Dieu et aux autres.

Source: la-croix.com


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